La montée des cerfs-volants, autrefois l’une des traditions les plus emblématiques en Haïti, est aujourd’hui en déclin. Lors des fêtes de Pâques, cette pratique rassemblait enfants et adultes pour faire voler des cerfs-volants colorés dans les cieux. Les toits des maisons et les champs se transformaient alors en espaces de joie et de créativité. Pourtant, cette scène appartient désormais presque entièrement au passé.
Dans certains coins de Delmas et Pétion-Ville, quelques vendeurs et artisans continuent de fabriquer et de proposer des cerfs-volants. Ces passionnés, souvent héritiers de savoir-faire ancestraux, témoignent d’une résistance face à l’effacement de cette tradition. Toutefois, leurs efforts se heurtent à une réalité amère : les parents, par crainte pour la sécurité de leurs enfants, refusent de les laisser monter sur les toits des maisons. Ces espaces, autrefois propices à l’évasion, sont devenus des lieux de danger en raison des "bal mawon", ces balles perdues qui peuvent frapper à tout moment.
À Port-au-Prince, la situation est encore plus alarmante. Les quartiers qui vibraient autrefois au son des rires et des cris d’excitation des enfants sont désormais désertés. Les rues, marquées par l’insécurité et la violence, ne sont plus des espaces de jeux, mais des zones de survie. L’idée même de fabriquer ou de faire voler un cerf-volant dans ces conditions relève presque de l’impossible.
Ce déclin n’est pas seulement le fruit de la violence. La précarité économique joue également un rôle crucial. Les matériaux nécessaires à la fabrication des cerfs-volants, bien que simples, représentent aujourd’hui un luxe pour de nombreuses familles. La priorité accordée à la satisfaction des besoins essentiels laisse peu de place à ces traditions, pourtant riches en symbolisme et en transmission culturelle.
Malgré ces défis, certains artisans continuent de perpétuer cette pratique, non sans difficulté. Leur présence dans certains marchés de Delmas et Pétion-Ville est un témoignage vivant d’un passé où les cerfs-volants représentaient l’espoir, la liberté et l’ingéniosité. Ils symbolisaient la capacité du peuple haïtien à s’élever au-dessus des contraintes terrestres pour toucher, ne serait-ce qu’un instant, un morceau de ciel.
Aujourd’hui, cette tradition vacille, victime de l’insécurité, de la pauvreté et de l’indifférence croissante. Et pourtant, dans chaque cerf-volant qui parvient encore à s’élever, subsiste une lueur d’espoir : celle que les cieux haïtiens puissent un jour redevenir le théâtre des rêves et des libertés partagées.
