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Quand les gangs dictent la loi : l’État regarde, la police tombe

Quand les gangs dictent la loi : l’État regarde, la police tombe
Éditorial / Securité | 2025-07-10 | 40 Vue(s)

Juillet 2025. Encore un mois endeuillé pour la Police nationale d’Haïti. En deux jours seulement, deux policiers ont été tués, l’un à Kenscoff, l’autre dans l’Artibonite. Deux zones stratégiques, deux attaques bien coordonnées, un même constat amer : la République perd du terrain, pendant que les gangs gagnent en audace, en puissance et en territoire.


À Kenscoff, dans la nuit du 6 juillet, une patrouille du SWAT tombe dans une embuscade à Viard. Bilan : un policier de 32 ans, Olrich Joseph, mortellement blessé. À peine 24 heures plus tôt, dans l’Artibonite, c’est un agent de l’UTAG, Éliov, qui perdait la vie, pris sous les balles des membres des gangs « Taliban/Mawozo ». Dans les deux cas, des véhicules blindés sont incendiés, et les gangs s’échappent, renforcés par leur victoire.


Ces événements ne sont pas isolés. Ils s’inscrivent dans une spirale bien connue. Depuis le début de l’année, les attaques contre les forces de l’ordre se multiplient, souvent dans le silence d’un État absent, désorganisé, parfois complice. Les policiers sont déployés sans soutien aérien, sans surveillance efficace, sans protection. Ils deviennent des cibles faciles, des martyrs silencieux d’un système qui les utilise, mais ne les protège pas.


Les gangs, eux, progressent. Ils innovent. Ils piègent les routes, surveillent les mouvements, coupent les accès, creusent des fossés, incendient les véhicules blindés, harcèlent les populations. À Kenscoff, plus de 260 personnes ont été tuées entre janvier et mars. À Désarmes, l’Artibonite sombre dans une guérilla urbaine qui ressemble à une guerre civile lente, mais bien réelle.


La mission multinationale, pourtant venue appuyer la PNH, peine à imposer une vraie dissuasion. Et comment pourrait-elle le faire, quand moins de la moitié des policiers kényans prévus sont présents, et que leurs équipements sont limités, leurs stratégies freinées, leur coordination faible ?


Le plus dramatique dans cette situation, ce n’est pas seulement l’échec militaire. C’est l’échec politique et moral. L’État haïtien, dans sa forme actuelle, semble avoir abandonné le monopole de la force. Il a laissé les gangs s’enraciner, s’armer, se structurer. Il a livré les policiers sans plan clair, sans vision de sortie, sans considération pour leur sacrifice.


Face à cette montée en puissance des criminels, il ne suffit plus de condamner. Il faut agir. Il faut reconstruire un commandement cohérent, allouer des ressources à la hauteur du danger, et surtout, rendre justice à ceux qui tombent sous l’uniforme. Tant que les policiers seront tués sans réaction d’envergure, tant que chaque attaque ne provoquera ni enquête sérieuse, ni riposte stratégique, alors le message envoyé aux gangs est clair : ils peuvent tuer, avancer, régner.


Il est temps de changer ce message.


Il est temps de dire que les vies policières comptent, que l’État ne reculera plus, que les quartiers ne sont pas à vendre, que la justice ne sera plus impuissante. Il est temps de donner un vrai sens à la devise « Protéger et Servir ». Et cela commence par protéger ceux qui protègent.


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