Depuis plusieurs années, l'insécurité en Haïti atteint des sommets alarmants, paralysant les activités économiques, sociales et éducatives du pays. Les gangs armés, de plus en plus puissants, étendent leur contrôle sur de vastes territoires, s'attaquant sans distinction aux écoles, hôpitaux, entreprises, églises et institutions publiques. L'Université d'État d'Haïti (UEH), bastion du savoir et de la formation universitaire, subit de plein fouet cette crise sécuritaire, mettant en péril l'avenir de milliers d’étudiants.
L’UEH sous le feu des gangs : un cycle infernal
Depuis la vague de violences qui secoue Port-au-Prince, l’UEH n’a cessé d’être la cible des attaques des gangs armés. La situation s’est considérablement détériorée après l’évasion massive survenue en mars 2024 à la prison civile de Port-au-Prince (Pénitencier national), un événement qui a exacerbé l’emprise des groupes criminels sur la capitale.
Situées au cœur de Port-au-Prince, plusieurs facultés et instituts de l’UEH ont dû cesser leurs activités ou se relocaliser à cause de la menace constante. Parmi les plus touchés, on retrouve la Faculté des Sciences (FDS), la Faculté de Médecine et de Pharmacie (FMP), la Faculté d’Odontologie (FO), la Faculté de Droit et des Sciences Économiques (FDSE) et la Faculté d’Ethnologie (FE).
La situation s’est encore aggravée avec l’attaque du 29 février 2024 contre la Faculté d'Agronomie et de Médecine Vétérinaire (FAMV), située à Damien. Des individus armés ont envahi le campus, pillant le matériel pédagogique, vandalisant les installations et forçant étudiants et professeurs à fuir. Cette attaque a marqué un tournant décisif dans la déstabilisation de l’UEH, mettant en lumière l’incapacité des autorités à protéger les institutions académiques du pays.
Ce jeudi 13 mars 2025, une nouvelle attaque a secoué l'Université d'État d'Haïti. Des individus lourdement armés ont pris d'assaut l’avenue Christophe, où se trouvent plusieurs entités de l'UEH, notamment l’Institut d’Études et de Recherche Africaines d’Haïti (IERAH), l’Institut National d’Administration, de Gestion et des Hautes Études Internationales (INAGHEI) et la Faculté des Sciences Humaines (FASCH).
Pris de panique, les étudiants présents ont quitté les lieux précipitamment pour échapper aux assaillants. Des coups de feu ont été rapportés, semant la terreur parmi les riverains et les membres de la communauté universitaire.
En réaction à cette situation, la Faculté des Sciences Humaines (FASCH) a publié une note annonçant la suspension temporaire de ses activités académiques et administratives jusqu’au 31 mars 2025.
" Il est porté à la connaissance des membres de la communauté de la FASCH que les activités administratives et académiques en présence sont suspendues jusqu'au 31 mars 2025. Ce, en raison de la situation d'insécurité qui prévaut actuellement dans la zone de l'avenue Christophe." Note signé, Josué Vaval coordonnateur de la FASCH
Cette décision, bien que nécessaire pour garantir la sécurité des étudiants et du personnel administratif, souligne l’ampleur du problème : l’éducation, pilier fondamental du développement, est aujourd’hui à l’arrêt en Haïti.
Un climat d'insécurité généralisée
La crise sécuritaire qui frappe l’UEH s’inscrit dans un contexte plus large où la violence des gangs paralyse la capitale haïtienne. Plusieurs quartiers sont devenus de véritables zones de non-droit, où les forces de l’ordre peinent à intervenir.
Parmi les endroits les plus touchés figurent Christ-Roi, Carrefour-Feuilles, Delmas, Cité Soleil, Gran Ravine, Village de Dieu, Canaan, Santo et Bel-Air.
Dans ces zones, les habitants vivent sous la menace constante des gangs, qui imposent des taxes illégales, kidnappent des civils et attaquent les infrastructures publiques et privées.
L’État haïtien, impuissant face à la crise
Face à cette montée de l’insécurité, le gouvernement haïtien peine à trouver des solutions concrètes. La Police Nationale d’Haïti (PNH), débordée et en sous-effectif, manque de moyens pour affronter les gangs, qui disposent d’armes sophistiquées et de ressources considérables.
Les étudiants de l’UEH, qui devraient pouvoir se consacrer pleinement à leurs études, sont aujourd’hui contraints de vivre dans la peur, sans garantie de pouvoir poursuivre leur formation. Nombre d’entre eux envisagent l’exil comme seule issue pour échapper à cette spirale infernale.
Quelle issue pour l’UEH et l’avenir éducatif du pays ?
L’attaque contre l’Université d’État d’Haïti n’est pas un simple incident isolé. Elle traduit une réalité plus profonde : l’éducation, pierre angulaire de tout développement national, est aujourd’hui menacée en Haïti.
Sans une action ferme des autorités pour rétablir la sécurité, l’UEH risque de voir ses activités s’effondrer, compromettant ainsi l’avenir d’une génération entière.
Alors que les étudiants, professeurs et citoyens haïtiens espèrent un retour à la normale, la question demeure : combien de temps encore l’UEH pourra-t-elle résister face à cette insécurité grandissante ?