Le 11 mai est passé comme une journée banale, sans urnes, sans électeurs, sans démocratie. Annoncé avec pompe par le Conseil présidentiel de Transition (CPT), le référendum constitutionnel n’a tout simplement pas eu lieu. Et ce silence assourdissant du pouvoir en place n’a rien d’un accident : il est révélateur d’un mépris profond pour les principes élémentaires de la gouvernance démocratique.
Loin d’un raté logistique ou d’une simple défaillance administrative, l’absence de référendum incarne une faillite politique complète. Aucun communiqué. Aucune explication. Aucune excuse. Comme si la population, déjà meurtrie, ne méritait même pas qu’on lui rende compte. Ce n’est plus de l’incompétence : c’est de la désinvolture institutionnalisée.
Depuis des mois, les signaux d’alerte s'accumulaient : un Conseil électoral provisoire muet, un calendrier électoral inexistant, une insécurité galopante, et surtout une opacité totale sur le contenu du référendum. Que devait-on voter, au juste ? Nul ne le sait. Et pourtant, les autorités prétendaient avancer vers un processus électoral crédible, prélude aux élections générales de novembre. Un mensonge grossier, désormais mis à nu.
Comment croire en un scrutin en novembre, alors que même les balbutiements d’un référendum n’ont pas été assumés ? La réalité, c’est que le CPT navigue à vue, sans cap ni volonté politique. Les recrutements pour les Bureaux électoraux, les missions de terrain, les fonds déjà mobilisés : autant de gestes techniques sans portée réelle, simples paravents d’un projet qui n’a jamais existé.
Car au fond, ce pouvoir transitoire n’a de "transition" que le nom. Il s’est installé dans l’attentisme, dans la gestion de l’illusion démocratique, entre promesses creuses et simulacres d’action. Le peuple haïtien mérite mieux qu’un gouvernement de façade qui enchaîne les échéances avortées sans jamais rendre de comptes.
L’annulation silencieuse de ce référendum n’est pas une péripétie. C’est un tournant. Un moment de vérité où l’on réalise que le retour à l’ordre démocratique en 2025 devient une chimère. À ce rythme, le pays s’achemine tout droit vers une nouvelle année sans élus, sans mandat populaire, sans direction légitime.
Le CPT a raté une occasion cruciale. Pire : il a contribué à miner un peu plus la confiance d’un peuple déjà désabusé. Et si cette trahison ne suscite pas un sursaut collectif, 2026 ne sera qu’une prolongation du vide politique et institutionnel que nous subissons depuis trop longtemps.